Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Guillaume Côté

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 18 juin 2011



Par le travail de ses parents, tous deux en relation avec la danse, Guillaume Côté est devenu Le Petit Prince du Prisme culturel avant de se rendre compte que les garçons de son âge jouaient plutôt au hockey.

À 11 ans, sa famille accepte l’éloignement de ce fils prodige à qui l’École du Ballet national du Canada tend les bras. Il se laisse si bien apprivoiser qu’il entre au Ballet national en 1999, où il obtient le premier rôle dansRoméo et Juliette à seulement 18 ans. Un an plus tard, il fracasse les records de jeunesse au firmament des étoiles de la danse de cette compagnie en interprétant Siegfried dans Le Lac Des cygnes.

Promu premier danseur en 2004, Guillaume Côté a épuisé les superlatifs de ses professeurs, des critiques et de nombreux jurys, menant de front une carrière de premier danseur au Ballet national du Canada et de danseur indépendant invité par les grands ballets du monde : Londres, Saint-Pétersbourg, Buenos Aires, Vérone, Moscou, Tokyo, New York, sans oublier La Scala de Milan où il danse les rôles les plus prestigieux.

En 2010, il célèbre ses 29 ans en renonçant au statut de danseur principal pour devenir artiste invité en résidence du Ballet national afin de gérer plus librement sa carrière et il s’engage pour la vie, en épousant l’éblouissante Juliette de ses 18 ans, sa partenaire sur scène et amie de longue date, Heather Ogden, première danseuse du BNC.

Si la danse classique a fait de lui un prince très recherché, Guillaume Côté ne boude pas la danse contemporaine qu’il a pu aborder, entre autres, dans des rôles créés par James Kudelka, Marie Chouinard et Chrystal Pite. Plus encore, le 16 mai 2010, « Impermanence », voyage dans la vie, la mort et l’amour, chorégraphie qu’il a créée sur sa propre musique était présentée en première mondiale à Florence.

L’interprète surdoué que l’on acclame doit son succès à une passion qui le pousse à tout connaître des disciplines qu’il pratique, incluant l’art de défaire le mouvement pour mieux l’enseigner, créant sa musique pour maîtriser les portées sur lesquelles écrire des pas de danse. Violoncelliste qui occupe ses loisirs par le chant, la guitare classique, la guitare électrique et le piano, compositeur, chorégraphe, Guillaume traque la structure pour en extirper ses secrets et devenir meilleur. « Quand je danse, je peux voir la musique, je vois les notes sur les partitions, dans ma tête. Quand je compose, je vois tout aussi spontanément le mouvement que les notes peuvent provoquer, le contrepoids visuel à la musique. », confia-t-il à Valérie Lessard, du journal Le Droit.

Danseur au faîte de son art, chorégraphe inventif, compositeur de grande sensibilité, Guillaume Côté incarne plus que l’excellence. Il est le fils de parents dévoués qui ont veillé à lui donner les meilleurs atouts, l’hériter reconnaissant des bâtisseurs de nos écoles où son talent s’est révélé, l’étudiant qui a affronté l’exil et surmonté des années d’apprentissage pour devenir un artiste accompli. Aujourd’hui, il danse avec succès sur les grandes scènes du monde, acclamé par la critique, recherché par les meilleures compagnies. Figure de proue de la danse classique au Canada, homme phare rayonnant sur une partie de la planète, il a remporté le Prix Peter Dwyer et Le Erik Bruhn Award, en 1998, le Gimini de la CBC de Toronto en 2007 et le Galileo 2000 pour sa performance artistique en danse et en musique du documentaire « Moving to His Music : Two muses of Guillaume Côté » de la ville de Florence en Italie.

Un magnifique ambassadeur!


Le 18 juin 2011

Guillaume Côté


Danseur, chorégraphe et compositeur remarquable

Artiste phare de la région


fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet

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mercredi 23 mai 2018

Guillaume Côté, un fabuleux entretien sur la danse et autres artistes réalisé par Kelly Bedard

Guillaume Côté dans Nijinsky
Photo Erik Tomasso

Comme toutes les finalistes pour le prix MyEntWorld Critics 'Pick Awards 2017  Guillaume Côté, nommé dans la catégorie Performance exceptionnelle du ballet (leader) pour Un tramway nommé désir (Ballet national du Canada), a fait l’objet d’une longue entrevue menée par Kelly Bedard, rédactrice en chef. 

Mme Bedard a accordé à l’Ordre du Bleuet, l’autorisation de reproduire cet entretien ainsi que sa traduction. La version originale anglaise est publiée dans son intégralité à la suite de la version traduite en français.

* Avertissement : Cette traduction est littérale et non littéraire  

14 avril 2018 
Séries d'entrevues avec les Nominés aux Prix de la critique 2017: Théâtre (Toronto)

Par Kelly Bedard/Théâtre(Toronto) 

Avant que nous annoncions les gagnants des 2017 MyEntWord Critics’ Pick Awards, nous sommes fiers de présenter nos Séries d’entrevues avec les mises en nomination.

Le danseur principal et chorégraphe associé, Guillaume Côté est, de bien des façons, la personnalité du Ballet National du Canada. Il a joint la compagnie en 1998 et a été promu principal dans un temps record, dansant des rôles principaux avec la compagnie depuis l’âge de 19 ans. Sa belle apparence et son style romantique (sans mentionner son histoire d’amour dans la compagnie) a fait de lui le prince par excellence, mais les ballets de John Neumeier  lui  ont distribué des  pièces plus sombres que les principaux rôles masculins (du répertoire) du National dans les récentes années; un défi qu’il a relevé avec  grand succès. Peut-être sa plus grande transformation dramatique est venue de l’audacieuse adaptation de  A Streetcar named Desire (Un train nommé Désir) de Neumeier où Guillaume a interprété le rôle du brutal Stanley Kowalski et gagné une nomination comme  Exceptionnelle Performance en Ballet (un prix qu’il a gagné une première fois, pour le Hamlet de  2012. 

Vous rappelez-vous le premier ballet que vous avez vu?

– Oh, man. Présentement, parce que j’ai grandi au Québec, il n’y avait pas réellement de ballet en direct, autre que les garçons plus vieux de mon école de ballet. Mais quand White Nights a commencé à être disponible sur VHS, cela a changé ma vie. Évidemment,  Baryshnikov était très masculin, et (le ballet) m’attirait tout à coup, parce que c’était athlétique, et c’était aussi bien une démonstration de virtuosité. Mais ce qui m’a touché le plus était qu’il m’a semblé que ça provenait d’une personne réelle dansant et exprimant un sentiment réel, une émotion réelle, d’un véritable être humain. Ce n’était pas par rapport aux contes de fées, aux jolis tutus, et des choses  comme ça. Comme jeune homme, (ces choses) n’étaient pas faites pour moi.

Mais quand je l’ai vu faire Le Jeune Homme et la Mort  de Roland Petit, qui était un ballet, une histoire écrite par Jean Cocteau, c’était plus qu’une idée - un jeune homme qui était visité par sa propre mort, un jeune artiste demeurant à Paris - c’était réellement magnifique. Une belle femme qui lui apparaît et qui représente sa mort. Je me rappelle que c’était quelque chose d’abstrait mais je le comprenais tout à fait, et je devais avoir neuf ou dix ans. C’était très puissant! J’ai pensé qu’à partir de là, c’était réellement ce que j’aimerais atteindre.

Mais vous dansiez déjà avant ça?

– Ouais! Ce qui est drôle, c’est que j’ai commencé quand j’avais peut-être 4 ans, juste parce que mes parents étaient impliqués dans une école de ballet au nord du Québec. Ils voulaient vraiment apporter de la culture dans la région. Ils voulaient commencer une compagnie de théâtre mais ils ne connaissaient personne en théâtre. 

 Mais ils avaient une amie qui avait étudié en danse à l’Université de Montréal. Quand elle est revenue  au Lac-Saint-Jean, mes parents l’ont aidée à fonder une école. Ma sœur en faisait partie, et mes cousins en faisaient partie aussi; c’était certain que je ferais du ballet... sans l’ombre d’un doute. Mais ce n’était pas réellement du ballet. C’était seulement de me lancer autour de la pièce, jouant du hockey avec les chaussons de ballet et les étagères, mais c’était  mon milieu, alors je ne le questionnais pas. Ce n’était pas : « Veux-tu danser? ». C’était juste une partie de ce que je faisais. Je peux dire que le Québec est très actif culturellement parce que la TV était ennuyeuse, pour moi; il n’y avait pas beaucoup de spectacles de télévision développés en français. Je n’ai pas beaucoup regardé la télévision. J’ai juste dansé et fait du sport. C’était intéressant de cette façon. Mes parents étaient des enseignants alors, ils aimaient la culture et la musique.

À quel âge avez-vous déménagé pour aller étudier le ballet?

– J’avais 10 ans la première fois que je suis venu à l’école de ballet. Je suis allé à l’École Supérieure un été quand  j’avais 10 ans. Je n’ai pas aimé ça tellement; seulement parce qu’il n’y avait pas assez de garçons. C’est beaucoup un monde de filles, particulièrement dans ces années-là et dans les enfants d’âge plus jeune. Aussi,  j’ai décidé d’aller essayer l’École Nationale de Ballet à Toronto, un an plus tard,  et j’ai aimé ça. Je suis venu ici à l’école de ballet quand j’avais 11 ans.

Est-ce que c’était difficile de quitter la maison?
        
– Bien sûr. Les quelques premiers mois étaient très difficiles. Mais ce qui était agréable, c’était l’école d’été qui nous attirait parce que nous avions beaucoup de plaisir à l’école d’été. C’étaient des classes réellement exotiques. Vous aviez des classes de Flamenco, des danses indiennes et  vous étiez dans des groupes où il n’y avait pas de pression. C’était une sorte d’audition assez intense, mais vous ne le remarquiez pas, parce que vous alliez à Canada’s Wonderland, et vous alliez à plein d’activités. Grandissant au Lac-Saint-Jean, je n’étais pas exposé aux nombreuses activités d’une grande ville, alors c’était vraiment excitant pour moi.
   
 Quand je suis venu pour l’année, c’était un rythme différent. Tu vas à l’école toute la journée et alors tu danses jusqu’à 7 h PM et l’entraînement est vraiment fou. C’est très, très difficile. Pour les quelques premiers mois, j’étais un petit peu paniqué. Mais j’ai été chanceux, j’avais quelques très bons mentors plus vieux à l’école de ballet et ils m’ont aidé beaucoup.  Après 2 mois, c’était alors plus difficile pour mes parents de s’habituer à ce que leur fils soit loin que pour moi, parce je pense que les jeunes s’adaptent. Je me suis bien adapté à mon environnement. J’ai  commencé un groupe. Je me suis concentré sur la musique. J’ai étudié la composition au conservatoire, ce que j’adorais. Alors, j’avais beaucoup de choses à faire dans la grande ville, et j’avais beaucoup d’amis. Ainsi, mon chez-moi ne me manquait pas, mais je pense que mes parents pensaient que je serais ici peut-être un ou deux ans et qu’éventuellement je retournerais à la maison. Je ne l’ai jamais fait. Aussi, c’était différent pour eux. 

Vous avez passé toute votre carrière à Toronto au Ballet National.  Qu’est-ce qui vous a retenu à la compagnie?
  
– J’ai passé ma carrière ici comme membre à plein temps au Ballet National, mais j’ai eu la chance de danser à beaucoup d’autres places. Ce qui m’a gardé ici c’est que je pense que les gens qui ont une grande influence sur ma vie sont les gens qui décident de s’investir eux-mêmes dans la place et qui savent pouvoir y faire une différence, en quelque sorte. Ayant dansé à un jeune âge, j’ai commencé à devenir artiste invité à New York. J’ai dansé au MET,  j’ai dansé à Berlin, j’ai dansé au Royal Ballet et au English Ballet. Et à certains moments, je me suis senti  ridicule de danser à Londres ou à New York.   

Ce qui est intéressant quand tu danses à Londres ou à New York et que tu obtiens de belles critiques, alors les gens chez toi te traitent différemment. C’est ce qui est bizarre, les gens te prennent tout à coup au sérieux. Mais je ne danse pas différemment quand je suis là. Ainsi, ce qui m’a donné beaucoup de reconnaissance ici était de danser à l’étranger. Mais c’est une chose de déménager à New York – plusieurs personnes le font – c’est autre chose de rester chez soi et d’essayer de faire que votre milieu soit meilleur, et juste d’essayer de faire une forme d’art qui va plus loin, en s’investisant dans son milieu.

 Je me suis toujours investi au Ballet National parce que je crois dans le Ballet National. J’ai aussi une gratitude envers l’École Nationale de Ballet, aussi bien que pour la compagnie parce qu’ils m’ont engagé très jeune et que j’ai été poussé très jeune. Mais ce n’est pas pourquoi je suis resté. En fin de compte, je suis resté parce que Karen Kain a pris la relève au bon moment. Elle a pris la relève au moment où je négociais pour m’en aller, et alors, elle fut vraiment chic parce qu’elle m’a dit, à peu de chose près : « Bien, aussi longtemps que tu resteras ici, tu pourras accepter les invitations n’importe où. »  

J’ai dansé avec d’autres compagnies comme artiste invité pendant quelques années, et alors elle a commencé à resserrer la bride un petit peu après ça, parce qu’il devient difficile (pour la compagnie) de négocier qu’on soit trop loin, trop souvent. Mais j’étais correct avec elle, parce qu’elle m’a laissé aller voir comment était le gazon de l’autre côté, et le tester. Quoique si magnifiques qu’étaient les autres places (compagnies) au début, il y a toujours des problèmes particuliers à chaque endroit. Et quand j’ai rencontré Heather (Ogden), bien sûr, et que nous sommes tombés en amour.  Heather est aussi une personne très loyale; elle aussi  a décidé qu’elle resterait toujours au Canada. Alors nous avons décidé, comme c’était une remarquable  compagnie et que nous avions une bonne relation avec Karen, d’y bâtir notre chez nous.

Quelles ont été vos performances préférées avec la compagnie au fil des années ?
        
– Certainement mon premier spectacle du Lac des Cygnes, quand j’avais 19 ans, c'était très spécial. J’étais avec Sonia Rodriguez. J’ai été le plus jeune garçon à danser le rôle dans l’histoire du Ballet National, ce qui était intéressant.                                                                                                                                Aussi, il y a eu l’ouverture de notre Roméo et  Juliette d’Alexeis Ratmansly  avec  Élena Lobsanova. C’était très, très spécial parce que c’était un nouveau ballet qui arrivait dans notre répertoire. 

 Ensuite, Nijinsky a été un autre évènement qui a changé ma carrière, parce que, aussi magnifiques que soient les classiques, vous arrivez à un certain moment dans votre carrière où vous vous dites : « Ok! Et bien,  j’ai  joué Albrecht (dans Gisèle), et j’ai joué Siegfried (dans Le Lac des Cygnes), tellement de manières différentes, dans tellement d’endroits et dans tellement de productions différentes, que je cherche quelque chose de plus humain. Quelque chose de plus profond dans lequel plonger.»   Alors, John Neumeier est venu pour faire Seagull  (La Mouette). J’étais blessé la première fois qu’il est venu, mais il est revenu. J’avais travaillé avec lui, quand j’étais jeune, à l’École de Ballet, et j’avais travaillé avec lui comme artiste invité à Hambourg parce qu’il m’avait invité.  Heather était venue aussi danser à Hambourg. Alors, il a donné Nijinsky au Ballet National. Cela a été une autre étape de ma carrière qui commençait, où j’ai commencé à découvrir John.

L’ouverture de Nijinsky à Toronto a été très important pour moi. Et aussi à Paris aux Champs-Élysées, la réaction du public a été tout-à-fait hallucinante. C’était réellement particulier.

Vous êtes actuellement en nomination pour le rôle de Stanley dans Un train nommé Désir. Comment c’était de travailler sur l’adaptation de sa première canadienne ?

– J’étais intéressé parce que c’était à un moment important. Il y a tellement d’implication politique au sujet du traitement des femmes. En particulier, cette histoire est si intéressante dans le sens que cela a été écrit au sujet de personnes réelles, avec de vraies personnalités déviantes. Mon rôle est vraiment dérangeant dans un sens, d’essayer et d’incarner ce caractère qui me sortait vraiment de ma zone de confort. J’ai été un prince si longtemps, même Nijinsky est plus un caractère estimable, ce rôle était tout à fait quelque chose d’autre. J’ai eu réellement à entrer dans ce que je n’avais jamais fait avant, mais ce que John fait beaucoup, et c’était vraiment nécessaire, est de nous isoler dans le récit, et nous plonger dans la psychologie de Blanche dès le début. John nous met dans une salle et il nous demande de lui consacrer toutes les heures de la journée. Il nous fait assoir tout le monde en cercle et nous raconte exactement chaque instant de ce ballet particulier et ce qu’il a en tête pour chaque seconde du ballet. 

Ce qu’il fait vous permet de l’interpréter de la manière que vous voulez, et même de faire de légers changements. Mais, s’il n’aime pas ça, il vous enlève. Aussi, c’est réellement étrange, parce qu’il vous donne toute cette liberté, mais seulement,  vous devez être certain qu’il aimera ça. C’est pourquoi c’est vraiment dur de travailler avec lui, parce qu’il demande tellement de vous, et s’il n’aime pas ça, alors ça n’a servi à rien (rires). Mais s’il aime ça, c’est réellement, réellement un accomplissement, parce quand vous allez dans ce voyage avec lui et retravaillez pour lui ce qui était (un récit), originalement, du début des années ’80, quand le monde était si différent. Il embarque dedans, il reprend ce travail et le réorganise pour en faire quelque chose de nouveau.

Et même, j’étais nerveux de faire la scène du viol, car c’était très réaliste. Seulement à le regarder sur vidéo, je me disais « WOW ». Particulièrement maintenant. Je me disais : « Je ne sais pas comment les gens réagiront à ça. » Il y a eu quelques répétitions où nous y sommes allés à plein; il n’y avait pas de public, de personnes qui regardaient, et c’était un peu trop. Mais, heureusement, sur la scène, dans le vrai contexte, et quand vous allez du début de l’histoire à la fin, vous réalisez la progression des personnages. Aussi, je pense que c’était un peu plus facile. Au contraire, dans le studio, vous voyez encore les gens, vous voyez encore Guillaume et Sonia qui réalisent ce très violent pas de deux. Mais nous l’avons magistralement fait ensemble parce que nous arrivions à un moment où nous pouvions voir la vraie création, et je sentais que c’était important d’avoir une scène comme ça.                                                                                                                                          

Ce que John a fait en chorégraphie est brillant, il est capable de faire des choses de façon très graduelles. Il réussit à rattacher tous les personnages, ensuite il commence à les décomposer. Et de là, on voit comment les relier les uns aux autres, et il nous entre dans cette petite histoire. 

Même dans un pas de feu – il y en a 3 dans Un train nommé Désir –  le 1er pas de deux est vraiment sexy avec Stella. C’est vraiment bien fait parce vous comprenez tout de suite que cet homme est justement tellement rude et vous établissez tout de suite le laisser-aller de cette personne. Vous avez alors ce pas de deux avec  Blanche, où c’est un peu plus enjoué, c’est un peu du flirt, c’est un peu comme :     « Je vais te remettre à ta place, parce que le roi du château et toi peuvent penser que vous êtes importants partout, avec tes fourrures, et tout… mais je vais te montrer, moi...».  Alors, il y a le 3e pas de deux où vous entrez et vous buvez , c’est là où cela prend  une  très, très différente tournure. Le 3e pas de deux est construit en 3 ou 4 étapes. C’est ce qui, je pense, le fait si fort, parce que beaucoup de chorégraphes commencent seulement une scène, les personnes dansent 5 minutes et vous êtes encore à la même place, et c’est fini.

Moi, je le sens comme John : ça commence ludique et vous jouez avec les accessoires et ces tableaux et vous la taquinez. Alors tu l’attrapes et elle se sauve; mais alors que vous vous adoucissez, parce que vous réalisez un petit peu ce que vous faites, et au même moment vous êtes heureux de ça. Ensuite, vous réalisez qu’elle recule;  ça fait que vous voulez de plus en plus utiliser la force. Tout est physique et Sonia et moi l’avons réellement décomposé en séquences, cette violence et cette sorte de tension qui monte par degré à la seconde près.                                                                                                                                                                          Si vous êtes trop expressif et agressif pendant 5 minutes, vous pouvez perdre votre public, et vous perdez aussi votre personnage. Non pas que l’audience doit aimer votre personnage, parce que c’est si horrible, mais le public doit aussi  comprendre qu’il est humain. Personne ne serait ouvertement fâché et violent sans raison pendant  5 minutes, cela a besoin d`être démontré tout au long.                                                                                                                                                                                  Ainsi, le processus était réellement intéressant parce que chaque mouvement doit signifier quelque chose et chaque mouvement a besoin de vous retenir jusqu’au suivant. C’est une progression normale et vous pourriez voir comment John chorégraphie. C’est très simple. C’est très dépouillé au minimum, mais c’est complet si les danseurs le font bien.
                                                                                                                                                       Les ballets de Neumeier doivent s’exprimer à la fois par le physique et par les émotions.

Comment vous préparez-vous à être capable de jongler avec ça, de le laisser sur la scène et de ne pas l’apporter avec vous à la maison?

 – Et bien, pour Un train…., définitivement, c’est vraiment important de le laisser dans le studio (rires). Vous le ramenez à la maison, dans un sens. Quand vous faites Nijinsky, c’est une couple de semaines de préparation où vous entrez à l’intérieur d’une détresse émotionnelle, je dirais. 

Spécialement, étant donné le long temps que nous avons au 2e acte du spectacle, pour se rendre au point où vous êtes tellement désorganisé et où il y a un endroit de non-retour. Alors, quand vous sortez de scène, plusieurs fois je suis encore tremblant,  vous ne pouvez  pas dormir pendant une journée ou deux. C’est vraiment tout à fait bouleversant, autant aussi par ce vous pouvez faire à votre corps, parce que John vous demande de plonger et d’utiliser le plein potentiel physique,  à un point où c’est presque sadomasochiste. Ainsi, la partie de ce ballet qui est difficile aussi, c’est que vous préparez votre corps à aller en extension. Vous savez qu’il sera douloureux, et vous savez que vous serez  plusieurs années sans vous raser, dans un sens. C’est difficile, mais c’est d’une autre façon;  c’est l’investissement qui fait une différence et je pense que les gens le reconnaissent. Peut-être la chorégraphie actuelle est plus simple que les autres ballets – peut-être pour les  ballets de Christopher Wheeldon ou d’un autre – mais c’est si entier, et si complètement engagé, que je pense que le public mesurera ça tout de suite. Je pense que leur relation avec ça est  plus forte. 
   
 Mais pour ce qui est d’entrer dans un rôle… dans  quelque chose comme Nijinsky par exemple – la première fois que je l’ai  fait, je surveillais tous ces danseurs incroyables – il y en avait seulement 3 qui avaient la permission de le danser avant que je le fasse. Mais je les ai observés beaucoup. J’ai vu comment ils construisaient ce personnage qui était un mythe, réellement, car  personne n’a de séquences de lui qui danse en réalité – il y a plusieurs commentaires de lui qui se disent, mais il n’y a rien de lui (vidéo ou photo) en train de sauter.  Peu  importe, les personnes spéculent : « il n’a  jamais touché terre» et toutes ces paroles- donc  vous devez vraiment essayer de tout créer. Tout ce que vous pouvez faire est de recueillir toutes les informations possibles et ensuite de prendre le scénario que vous a donné John, comme les sauts, et ensuite, d’essayer de les faire vôtres.

La première fois que je l’ai dansé, j’essayais seulement de le faire mien. Maintenant je suis à un point où je le rythme différemment et j’essaie de trouver une manière pour que cela soit un plus vieux Nijinsky qui regarde derrière lui sa propre carrière. 
                                                        
 Tout de suite, John voit si vous essayez quelque chose de nouveau, ou si vous  le faites d’une autre manière. Ou il ne vous abordera pas, et vous le laissera faire complètement, mais il veut tout de même vous faire savoir qu’il sait ce que vous faites. Beaucoup de chorégraphes seraient très stricts à ce sujet, à le faire exactement comme ça doit être fait. Ils ne veulent pas qu’on change. Ils le veulent de cette manière et c’est tout. Mais John veut voir (votre interprétation). Dans un sens, Skylar (Campbel) ne pourrait pas faire très différent de ce que je fais dans Nijinsky. Peter Stanczyk ne pourrait pas faire très différent dans Un train….C’est intéressant, parce que malgré tout, chacun doit le faire différemment.

Vous venez juste de terminer Le Lac des Cygnes où vous avez dansé avec votre femme. Comment danser avec Heather affecte-t-il votre performance et les personnages sur la scène?

La bonne chose avec Heather et moi est que nous avons dansé ensemble pendant un long moment avant d’avoir été en couple. Pour être honnête, danser c’est être responsable de votre propre performance, plus ou moins. Aussi, je ne sens jamais que je dépends d’elle ou qu’elle dépend de moi de quelque façon, ce qui est très bien. Elle est toujours super, super forte, super constante et incroyablement musicale. C’est ce que j’aime et je pense que ce que j’adore le plus de danser avec elle est parce qu’elle a un sens musical inné remarquable, comme de séparer les notes en demi. C’est si excitant à faire car, même avec  Le Lac des Cygnes que vous avez fait un million de fois, elle peut jouer avec la musique. Ce n’est pas juste un différent phrasé, elle dit compter les notes et parle des silences devant s’insérer dans les parties où vous ne penseriez pas qu’un silence pourrait être là, ou une pause. Maintenant, nous sommes tous les deux au même point dans notre carrière, où nous travaillons sur des subtilités. Nous travaillons sur la texture, et ce que j’adore le plus, c’est que nous aimons tous les deux travailler ensemble, particulièrement pour La Belle au Bois Dormant.      
   
 Le lien est évident, bien sûr;  en dansant avec votre femme, vous pouvez savoir immédiatement que c’est la chose la plus exceptionnelle que nous faisons. Juste performer l'est en général et le ballet l’est en général.  Donc, c’est la chose la plus magique. Elle ne pouvait pas prendre mieux soin d’un prince, et la fée des Lilas ne peut pas être plus incroyable. Ce qu’elle fait est si beau et si extraordinaire; et d’avoir à le faire avec une personne que vous aimez, ça le rend beaucoup plus exceptionnel. Alors, d’en avoir fait l’expérience avec vos enfants, c’est merveilleux.

Aussi, bien sûr, cette partie est si vraie, réellement belle, mais quant ça descend au «nitty-gritty» (pratique?) chaque jour, c’est normalement ce qui soutient la relation entre partenaires. Margot Fonteyn et Rudolf  Nureyev  paraissent excellents sur scène, bien sûr, mais ce qui les attache ensemble est cette affinité dans le studio. Le studio dure 2 ½ mois et la scène 2 heures.

Comment gardez-vous le défi  l’un l’autre?

Aussi, nous sommes compétitifs. Heather compétitionne avec moi, et je compétitionne avec elle, et cela est bon parce je sais que ce que j’aime le plus est que nous essayons de rester perfectionnistes dans ce que nous faisons. 
   
Vous êtes aussi un chorégraphe associé avec le Ballet National. Comment  réussissez-vous à vous investir en chorégraphie, et comment avez-vous su que c’était ce que vous vouliez  continuer à faire ?

J’ai toujours voulu chorégraphier. J’ai composé de la musique avant de chorégraphier, parce que j’avais des idées de création. Quand j’ai découvert la chorégraphie et que j’ai commencé à en faire, j’ai tout de suite adoré la structure organisée de la musique, ainsi que l’idée de raconter des histoires. Je sentais qu’il y avait de magnifiques choses qui  pouvaient aller ensemble. Ce qui est difficile avec la chorégraphie, c’est que vous ne savez jamais si c’est bon ou non. Vous le savez si les gens applaudissent ou non, mais si vous utilisez une chanson pop, tous vont devenir fanatiques. Si vous utilisez la musique de Schnitlke,  ça devient difficile pour les gens d’aimer votre travail. Mais en même temps, j’adore ça et  j’adore regarder de la danse. Comme j’ai interprété beaucoup de chorégraphies, j’ai réalisé que j’adorais ça et j’adore chacune d’elles.
                                                                                                                                                                                      De bien des manières, c’est difficile de danser parce que vous êtes jugés à différents degrés. Avec Nijinsky ou d’autres, vous plongez dans un rôle, un personnage, et vous savez que c’est déjà une chorégraphie maîtresse. Si vous chantez Elektra, ou si vous chantez un grand rôle, vous savez que si vous le faites ce sera grand parce que c’est magistral. Mais de démarrer quelque chose qui écorche, ça fait vraiment peur;  et je crois que chorégraphier est une évolution qui débute en égratignant. C’est pétrifiant, mais j’adore ça, j’adore le faire, et j’étais vraiment enchanté de ce processus. J’espère que je vais garder ça.  
    
J’ai adoré le Petit Prince. Parlez-nous un peu de la création de ce ballet.

Je l’ai adoré aussi (rires). J’en ai adoré le processus. J’ai adoré l’idée de prendre une histoire aussi sacrée et d’essayer de la replacer dans un monde différent, et créer un nouveau monde pour ce ballet, en lui redonnantune nouvelle vie; parce que c’est une belle œuvre de littérature, c’est sacré dans un sens. Mais cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas vivre comme quelque chose d’autre. Le processus de création n’était pas facile, justement parce que (ce n’était pas mon) premier ballet complet. Et pendant le développement, nous travaillions avec John. J’étais comme : «Qu’est-ce que je fais ici? Je peux venir et t’observer…Puis-je te suivre comme une ombre pour quelques mois? » Il m’a dit : « Non, tu as vraiment ce qu’il faut pour le faire. Tu as seulement à continuer à apprendre, à observer, continuer avec tes réflexions, tes idées et comment tu veux les mettre ensembles.»

À partir de ce moment, j’ai eu beaucoup de succès à faire des parties qui étaient plus courtes. C’est comme un sitcom—22 minutes est facile à soutenir. Tu as besoin d’une idée, d’une introduction, d’une conclusion, et ensuite d’un développement. La meilleure vraie bonne idée se passe de 22 à 30 minutes. C’est pourquoi beaucoup de ballets sont plus courts. La cible de 30 minutes est normale pour un travail abstrait et ça marche bien. Mais avec Being and Nothingness (L’Être et le Néant) que j’ai réalisé il y a quelques années, ca durait 50 minutes. 

 J’ai réalisé ce ballet un peu plus long, mais un ballet complet (Le Petit Prince) était quelque chose de complètement différent. En équilibrant l’aspect production, j’ai travaillé avec Michael Lavigne, un désigner de costumes qui était connu déjà. La partie qui était un défi était d’essayer de travailler avec de grands ensembles et de gros décors, ainsi je devais voir comment, avec la danse, ce qui ne marchait pas. Quelquefois, de ce qui arrivait, les évènements pouvaient nous guider.

Je suis un fan d’opéra. Je vois tout ce qu’on peut faire ici et quand nous voyageons, je vois tout ce que je peux. C’est vraiment différent de plusieurs façons. Les chanteurs vous donnent de vraiment beaux paysages, leurs habiletés nous arrivent par l’audition avec la valeur de la grande production. Vous vous créez un panorama et vous observez. Mais avec la danse, vous avez à regarder les danseurs pour voir leurs habiletés. Vous ne pouvez pas fermer vos yeux et les écouter. Vous avez à regarder quelque chose. Et tous ces grands décors qui sont tout autour des danseurs, ça porte loin votre focus, quelquefois. Le processus de composer avec tous ces éléments qui bougent en essayant de réussir à impressionner par l’histoire est un défi. 
  
Mais je me promets d’y retourner (à l’opéra) pour me rediriger un petit peu, parce qu’en travaillant avec Robert Lepage, je vois la mise en scène différemment. Je la vois plus comme un métier. Plusieurs personnes comme Crystal Pite sont des génies à diriger et, ultimement, mettre en scène pour que ça te donne la bonne information et le bon nombre d’informations, au bon moment et à la bonne place sur la scène. Très souvent, ce qui arrive en chorégraphie est que cela devient dissolu, ou il y a trop d’informations ou pas assez. Je peux définitivement voir ça avec les jeunes chorégraphes. Je vois que le travail n’est pas structuré comme il devrait l’être. Aussi maintenant je travaille seulement à ça, obtenir plus d’organisation, d’ordre. Mais je suis si reconnaissant de l’opportunité de faire le Petit Prince. Qui a cette opportunité? Et je l’ai eue. J’ai hâte de le refaire.
                                                                                                                          
Dites-nous en un peu plus au sujet de Frame by Frame et travailler avec Robert Lepage? 

– Bien,au sujet  de Lepage…                                                                                                                                     
Je lui suis tellement reconnaissant d’être dans ce projet (rires). Je ne peux pas le croire; cet homme est vraiment l’un des plus grands artistes du Québec, et je pense que je peux dire, au Canada. En réalité, au départ, je suis allé à lui et je lui ai dit: « Je veux travailler avec toi de n’importe quelle façon, formelle ou non. ». 
C’était il y a 10 ans. Et alors, nous sommes devenus amis et il a dit « Eh! bien! Propose! ». Alors je lui ai proposé le Petit Prince et quelques projets. Et il a dit : « Non, je ne suis pas vraiment intéressé. » J’ai dit : « OK, c’est correct. » J’ai continué de voir ses spectacles et nous avons continué à nous voir en ville. Nous étions sur la même longueur d’ondes intellectuellement. Et ça, parce qu’il est un intellectuel et comme je cherchais au hasard dans la philosophie – je pense qu’il a trouvé ça un peu fou d’abord, mais peut-être que maintenant, c’est correct.                                                                                                                                                                     Il est venu à moi lorsqu’il venait juste de faire cette pièce de McLaren, The Imagine Milles (Le Moulin qui marche) pour la ville de Québec. Et il a dit : «Ok, je pense que nous avons trouvé quelque chose que j’aimerais travailler avec toi, si tu acceptes ». Je ne connaissais pas McLaren, mais je connaissais son Pas de deux. Je connais ce vidéo parce que deux de mes ex-professeurs étaient dedans et j’aimais ça. J’ai pensé : « C’est une idée fantastique. Quelle meilleure façon de faire quelque chose de canadien-une histoire canadienne au sujet d’une icône canadienne, Norman McLaren? »

Le talent génial de Robert est dans la cueillette des projets. La danse peut être extraite très, très facilement du travail de McLaren parce qu’il était lui-même chorégraphe d’une façon bien particulière. Plusieurs de ses films étaient justement basés sur la musique, la définition de l’espace et l’espace chorégraphique, que ce soient des découpes de papier, ou des effets, ou un jeu de perspectives, ou un arrêt du mouvement (stop-motion); il utilise toujours le mouvement et la technologie pour améliorer la chorégraphie. Je pense alors : 
« C’est super! » Et Robert pense exactement la même chose.

 Tôt dans le projet, Robert demande : «Pourquoi je ne prends pas le thème de McLaren et que tu ne viens pas à Québec avec un groupe de danseurs…et nous verrons ce que nous pouvons faire? » J’ai alors apporté beaucoup d’idées. J’ai apporté beaucoup d’idées folles, beaucoup de mauvaises idées,  lesquelles se sont avérées être bonnes… alors que je pensais qu’elles étaient terribles. Mais alors, Robert y ajoutait de la technologie, avec sa magie d’extraire quelque chose de différent, un nouveau point de vue, en regardant d’une autre manière… et la caméra de cette autre manière!!!…et ça devenait quelque chose de vraiment intéressant.

Dès le départ, la 1ère fois que nous l’avons travaillé, nous avons développé 21 scènes dont nous étions très contents. C’étaient des chorégraphies, seulement des scènes. Je veux dire… la structure. Il y avait une table à dessin, un piano, une projection,  des choses et des personnes qui bougent. Le procédé était seulement informatif car il y avait une grosse équipe de personnes, peut-être 12 personnes, dans le studio tout le temps. Il (Robert) regarde toujours les connexions, les idées et la structure du spectacle, les transitions à faire, la chronologie afin d’être certain que nous touchons tous les aspects de la vie de McLaren, et comment une chose en a influencé une autre. 

C’était intéressant parce que nous avons fait la base du portrait d’une personne. Sa vie était à ce moment-là  peu intéressante à y trouver un intérêt bizarre ou particulier, parce que ce n’est pas un opéra. Personne n’est tué. Personne ne se marie. Ce sont des évènements de la vie d’une personne qui était seulement, et ingénument, obsédé par son travail. Ce sont des petites vignettes de sa vie à travers les technologies qu’il a créées à travers la danse. Je pense que c’est une manière parfaite pour l’honorer car sa vie était basée sur la musique et le mouvement.                                                                                                                                     

Quand tu arrives à la fin de sa vie, c’est de plus en plus logique, parce qu’il a commencé à faire des films de danse. Ces films sont vraiment des icônes, ils deviennent vie sur la scène. 
  
Robert n’a pas peur de citer le passé, il est vraiment intéressé par cette façon de faire. Je pense que, comme jeune créateur, tu veux juste être certain que tu resteras loin de ce qui a été fait avant. Tu veux croire que chaque chose que tu fais est nouvelle. Mais il y a de la beauté à essayer de reconstruire exactement ce qui a été. Tu vas dans la chorégraphie de Ludmilla Chiriaëff des années 70 et 80 et tu remontes ça avec des danseurs d’aujourd’hui. Avec cette expérimentation, tu réalises qu’avec les corps et l’entraînement d’aujourd’hui, ce qu’elle a fait il y a 30 ans était vraiment beau. Ca prend réellement de la valeur que d’honorer cela, ce que ces gens ont fait dans ce temps pour le Canada. Ainsi, nous avons décidé : « Gardons ça intact et soyons certains de leur en donner le crédit, pour la partie  La chorégraphie de Ludmilla Chiriaëff. Soyons certains de rester dans le véritable matériel », et j’adore vraiment cette façon de faire.

Robert ne peut pas être plus généreux comme collaborateur. Il est vraiment généreux. Il est très concentré, et quand le marteau tombe, il tombe. Ce qui est agréable, c’est qu’il connaît ma place, aussi je lui donne tout ce que je peux de créativité, des idées, des trucs et des étapes et alors il fait : « Oh! yeah! Ok. »  Mais beaucoup de ça est juste dissipé. Ce qui est vraiment une excellente manière parce que je sais qu’il est celui qui va avoir le dernier mot sur la conception.

La saison 2018-2019 vient tout juste d’être annoncée. Qu’avez-vous le plus hâte de faire?  

– J’ai toujours aimé danser The Dreamer  (Le Rêveur) parce que Ashton (le chorégraphe) est classique et je suis aux anges quand je sais qu’un classique va être plus long; aussi je suis vraiment stimulé de savoir qu’il revient maintenant. Bien sûr, je le demande depuis longtemps mais je n’étais pas certain que ça allait finir par être mis dans le programme, donc, je suis très heureux qu’il soit là.

J’ai vraiment hâte aussi, évidemment, que Being and Nothingness (L’Être et Le Néant) revienne. J’ai vraiment hâte de le revoir ainsi que  de travailler avec les  nouveaux danseurs parce que la compagnie est tellement différente d’il y a 4 ans. Ça va être très beau. Beaucoup de différentes distributions. Je suis vraiment excité d’avoir ces quelques nouveaux danseurs que nous avons; aussi je surveille ça.
        
Et le programme The Forsythe est vraiment un maître du mouvement calculé en danse; je trouve qu’il y aura un vrai bel apprentissage pour moi de danser ce ballet. Je pense que la compagnie a besoin de faire de genre de travail. C’est très dur, mais je pense que ça va initier un virage dans l’apprentissage, je suis vraiment ravi.

Et  Xiao Nan Yu prendra sa retraite avec The Merry Widow (La Veuve Joyeuse). Je vais danser Merry Widow avec elle quelques fois et elle est toujours si spéciale, je l’adore. Je pense que c’est très important pour elle de partir pendant qu’elle est encore Principale, aussi je pense que ce sera vraiment particulier.

Est-ce qu’il y a quelque chose que vous aimeriez ajouter?

Merci beaucoup pour cette nomination. On fait seulement son possible et vous espérez que les gens aiment vraiment ce que vous faites.  Et je pense que ce que vous faites est extraordinaire aussi, parce qu’il nous inspire à aller plus loin.

(Traduction : Germaine Tremblay, secrétaire au ça de l'Ordre du Bleuet et fière maman de ce magistral jeune homme)


Un train nommé désir

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14 APRIL 2018
By Kelly Bedard// Theatre(Toronto)

Before we announce the winners of the 2017 MyEntWorld Critics’ Pick Awards, we’re proud to present our annual Nominee Interview Series.
Principal dancer and choreographic associate Guillaume Côté is, in many ways, the face of the National Ballet of Canada. He joined the company in 1998 and was promoted to principal in record time, dancing leading roles with the company since the age of 19. His good look and romantic style (not to mention his in-company love story) have made him a quintessential prince but the ballets of John Neuemier have demanded something much darker from the National’s leading man in recent years, a challenge he’s risen to with great success. Perhaps his most dramatic transformation to date came in Neuemier’s bold adaptation of A Streetcar Named Desire where Guillaume took on the brutal role of Stanley Kowalski and earned an Outstanding Ballet Performance nomination (an award he’s won once before, for 2012’s Hamlet).
Do you remember the first ballet you ever saw?
Oh, man. Actually, because I grew up in Quebec, there wasn’t really any live ballet, other than the older kids in my ballet school. But when White Nights started being available on VHS, that changed my life. Obviously, Baryshnikov was very manly, and [ballet] was attractive to me all of a sudden, because it was athletic, and it was a display of virtuosity as well. But what touched me the most was that it seemed to me that it came from a place of a real person dancing and expressing real feelings, and real emotions, and a real human being. It wasn’t about fairies, and pretty tutus, and things like that. As a young man, [those things] didn’t really do it for me. But when I saw him do something called Le jeune homme et la mort, which was Roland Petit, which was a ballet, a story written by Jean Cocteau. It was more of a concept – a young man who was visited by his own death, a young artist living in Paris, and this really wonderful, beautiful woman comes in and she’s representing his death. I just remember it was this abstract thing, but I understood it all, and I must have been nine or ten. It was quite powerful. So from that point on, I thought, “Okay. Well, this is really something that I’d like to pursue.”
But you’d already been dancing before that?
Yeah! The funny thing is, I started dancing when I was maybe four, just because my parents were involved in the ballet school up north in Quebec. They really wanted to bring culture to the area. They had wanted to start a theatre company, but they didn’t know anyone in theatre. But they had a friend who was studying dance at the University of Montreal. When she came back home to Lac-Saint-Jean, my parents helped her found the school.
My sister was part of it, and my cousins were part of the ballet school as well, so it was just a no-brainer that I did ballet. But it wasn’t really ballet. It was just me throwing myself around the room, playing hockey with the ballet shoes and whatnot, but I was in the environment, so I never questioned it. It wasn’t like, “Do you wanna dance?” It was just part of what we did.
I would assume Quebec is very culturally active because television is boring- there’s not that many TV shows developed in French that are really good, that belong to Quebec. I didn’t watch any TV. I basically just danced and played sports. It was interesting that way. My parents were schoolteachers as well, so they really liked culture and music.
At what age did you move away to go study ballet?
I was ten the first time that I came to the ballet school. I went to ballet school at l’école supérieure for one summer when I was ten years old. I didn’t like it so much, just because there weren’t enough boys at the time. It’s very much a girls’ world, especially in the younger days and the younger ages. So then I decided I was going to try the National Ballet School, in Toronto, one year later, and I loved that. I came to the ballet school when I was eleven.
Was it hard to leave home?
Of course. The first few months were very difficult. But the funny thing was that summer school lures you in, because summer school’s a lot of fun. It’s a lot of really exotic classes. You’ve got a lot of flamenco classes, Indian dancing – you’re in these groups where it’s low-pressure. They’re kind of auditioning you quite intensely, but you don’t notice, because you’re going to Canada’s Wonderland, and you’re going to a bunch of stuff. Growing up, in Lac-Saint-Jean, I wasn’t really exposed to the big city stuff, so it was very exciting for me.
When I came for the year, then it’s a different pace. You go to school all day, and then you dance till 7 pm, and the training’s really crazy. It’s much, much different. For the first few months, I was a little bit panicked. But I was lucky – I had a few really great older mentors in the ballet school, and they helped me a lot.
After two months, it was actually much harder for my parents to deal with their kid being away than for me, because I think kids just adapt. I adapted so well to my environment. I started a band. I focused on music. I studied composition at the conservatory, which I loved. So I had a lot of things going in the big city, and I had my group of friends. So I didn’t miss home, but I think my parents thought that I would be here for maybe a year or two, and eventually go home, but I never did. So that was tough on them.
You’ve spent your entire career in Toronto at the National Ballet. What is it about the company that keeps you here?
I’ve spent my career here as a full-time member of the National Ballet, but I’ve had the chance to dance a lot of other places. What keeps me here [is that] I think the people that had huge impacts on my life are people who decided to invest themselves in the place where they knew they could make some kind of difference. From dancing at a young age, I started casting in New York. I danced at the Met, and I danced in Berlin, and I danced with the Royal Ballet, and the English National Ballet. And at some point, I fooled around with the idea of dancing in London, or dancing in New York.
What’s interesting is when you dance in London and New York, and get nice reviews, then people at home treat you differently. It’s this weird thing where people suddenly take you more seriously. But I didn’t dance differently when I danced there, so the one good thing [was] that it gave me some recognition at home for doing those things abroad. But it’s one thing to move to New York- and a lot of people do- it’s another thing to stay home and try to make our home better, and to try to also just make the art form go forward, and invest yourself in a place.
I always invested myself in the National Ballet, because I believed in the National Ballet. I also felt gratitude towards the National Ballet School, as well as the company, because they hired me very young, and then I got pushed very young. But that’s not why I stayed. Ultimately, I stayed because Karen Kain took over at the right time. She took over at a time when I was in negotiations to go away, and then she was very smart because she basically said, “Well, as long as you stay here, then you can guest wherever.”
I did [perform with other companies as a guest artist] for a few years, and then she started tightening the leash a little bit after that, because it got tough to negotiate me being away so much. But it was very smart of her, because she let me go see what the grass was on the other side, and you test it out. As wonderful as other places are at first, there’s always the issues of that particular place. And then I met Heather [Ogden], of course, and we fell in love. Heather is also a very loyal person, so she decided that she was always gonna stay in Canada. Then we decided that this is a great company, and we had a good relationship with Karen, so we decided to make this home.

Nijinsky
What have been some of your favourite performances with the company over the years?
Obviously, my first show of Swan Lake when I was 19 was very special. It was with 
Sonia Rodriguez. I was the youngest person to perform that role in the history of the National Ballet, so that was interesting. 
Then there was the opening of our Romeo and Juliet, the Alexei Ratmansky Romeo & Juliet with Elena Lobsanova. That was very, very special, because it was a new work coming into the repertory.
Then Nijinsky was the other thing that changed my career. Because, as wonderful as the classical works are, you get to a point in your career where you kind of go, “Okay, well, I’ve played Albrecht [in Giselle], and I’ve played Siegfried [in Swan Lake] so many ways in so many places in so many different productions. I’m looking for something perhaps more human. Something deeper overall to dive into.” Then John Neumeier came to do Seagull. I was actually injured the first time he came, and then he came back. I worked with him as a kid in the ballet school, and I worked with him in Hamburg guesting there, because he invited me and Heather to go and dance in Hamburg. Then he gave Nijinsky to the National Ballet. That was when the next phase of my career started, where I started discovering John. The opening of Nijinsky in Toronto was very special for me. Also, Nijinsky in Paris at the Champs-Élysées, and the audience’s reaction was really quite overwhelming, so that was really special.

A Streetcar Named Desire
You’re actually nominated this year for a Neumeier role- Stanley in A Streetcar Named Desire. What was it like working on that adaptation for its Canadian premiere?
It was interesting, because it was at an important time. There’s so much going on politically about the treatment of women, and that particular story – so interesting in the way that it’s written for real people, with faulty, faulty personalities. My role is very disturbing in a way, and to try and embody that character was very out of my comfort zone. I’d been a prince for so long- even Nijinsky is more of a precious character- this role was something else altogether.
I had to really go into something that I’d never gone into before, but what John does a lot, and what is very necessary, is seclude you into the narrative, and you dive into Blanche’s psychology right from the get-go. John puts you in a room, and he asks for all the hours of the day to be dedicated to him, and he sits everybody around a circle and tells you exactly every moment of this particular ballet and what he has in mind for every second of it.
What he does do is allow you to interpret it the way you want, and even make slight changes. But if he doesn’t like it, he takes you out. So it’s really odd, because he gives you all this freedom, but then you have to make sure that he likes it. That’s why it’s very hard to work with him, because he asks so much of you, and if he doesn’t like it, then it’s for nothing [laughs]. But if he loves it, then it’s a really, really fulfilling thing, because then you go along in this journey with him, and resetting the work for him that was set originally in the early 80’s [when] the world was such a different place. He went straight in, he reset this work and revamped it into something really fresh.
I was nervous even doing the rape scene, and it’s very graphic. Just watching it on video, I was going, “Wow. Especially now. I don’t know how people will react to this”. There were a few rehearsals where we went full out, and there was an audience, people watching, and it was a bit too much. But luckily, onstage in the right context, and when you go from the beginning of the story to the end, you realize the progression of the characters, so I think it was a bit easier. Also because of the distance – it was a bit easier for people to just dive into the tragic story. As opposed to, in the studio, you still see the people, you still see Guillaume and Sonia really going into this very violent pas de deux. But we masterfully put it together because I feel like we got to a place where we could see the right build-up, and I feel like that’s very important in something like this.
What John is brilliant at doing in choreography, he’s able to do things very gradually. He gets you attached to the characters, then he starts breaking them down. From there, he sees how they relate to each other, and then he takes you on this little story. Even in one pas de deux – there are three in Streetcar, and the first pas de deux is this really sexy pas de deux with Stella. It’s really quite beautiful because you can understand that this man is just so rugged, and you have to establish right from the get-go who this person is. Then you have this pas de deux with Blanche, where it’s a bit more playful, it’s a bit flirty, it’s a bit “I’m gonna put you in your place, because I’m the king of this castle and you may think you’re something big somewhere else with your furs, et cetera, but I’m gonna show you”, and all that. Then there’s the third pas de deux- you enter and you’re drunk, and this is where you come in with a very, very different mindset. The third pas de deux is built in about three or four stages. That’s what I think makes it strong, because a lot of choreographers will just start in one place, and then people dance for five minutes, and then you’re still at the same place, but it ends. And I feel like with John, it starts somewhere, and you’re playful, and you’re playing with these props and these pictures, and you’re teasing her. Then you grab her and she goes away, but then you soften again, because you’re realizing a little bit what you’re doing, but at the same time, you’re enjoying it, and you realize that she’s pulling back, and that makes you want to come more forcefully.
It’s all about the physicality, and how Sonia and I really broke it down, because violence and those kinds of displays of tension only work for very few amounts of steps and seconds. If you’re all out and very aggressive for five minutes, you lose your audience, and also you lose your character. Not that the audience has to like your character, especially when it was so horrible, but they still have to understand that he’s a human. Nobody would be just blatantly loud and angry for no reason, for five minutes, and being violent – there still needs to be some thought throughout. So the process was really interesting, because every move needs to mean something, and every move needs to take you to the next. It’s a normal progression, and you could see how John choreographed it. It’s very simple. It’s bare minimum. But it’s plenty if the dancers do it well.
The Neumeier ballets must be draining both physically and emotionally. How do you prepare yourself to be able to handle that, to leave it on the stage and not bring it home with you?
Well, for Streetcar, it’s very important to definitely leave it in the studio [laughs]. You do take it home, in a way. When you do Nijinsky, it’s a couple of weeks of preparation where you go into a place of emotional distress, I would say. Especially by the time we get to that second act in the show, to go somewhere where you’re so disturbed, there’s a place of no return. Then when you get away from the stage, a lot of times I’ll still be shaking, and you can’t sleep for a day or two.
It’s really quite shocking, what you can do to your own body as well, because John really demands you to literally dive into things, and use the full physicality to a point where it’s almost sadomasochistic. So that part of it is difficult too, because you have to prepare your body to go to that extent. You know it will be painful, and you know that you’ll shave some years off, in a way. It’s hard, but in another way, the investment makes a difference, and I think that people recognize that. Maybe the actual choreography is simpler than other works – maybe a Christopher Wheeldon ballet or something- but it’s so full, and it’s so completely committed, that I think the audience will seize that right away. I think their relationship to it is much stronger. 
But that being said, to get into the role with something like Nijinsky- the first time I did it, it was just about finding who I was while doing it. Because I’d watched all these really amazing dancers- there’s only three that had the permission to dance it before I did. But I watched them a lot, and I saw how they built this character that is a myth, really, because, nobody has footage of him really dancing- there’s a few things of him walking around, but there’s nothing of him leaping, or whatever people are speculating, “he never touched the ground” and all those things- so you can’t really try to recreate. All you can do is gather all the information and then take the script, which was given to you by John, the steps, and then try to make it your own.
The first time I did it, I was just trying to make it my own. Now I’m at the point where I’m pacing it differently, and I’m trying to find a way for this to be the older Nijinsky looking back onto his own career. Right away, John sees you’re trying something new, or that you’re doing it in a different way. Then he’ll either address it, or completely let you do it, but he still wants you to know he knows you’re doing it. A lot of choreographers will be very strict about exactly how it has to be done. They don’t want it to change. They want it that way, and that’s it. But John wants to see [your interpretation]. Skylar [Campbell] couldn’t be any more different in the way that he does Nijinsky than me; Peter Stanczyk couldn’t have been any more different in Streetcar. It’s interesting, because everybody has to do it very individually.



Sleeping Beauty with Heather Ogden
You just finished a run of Sleeping Beauty where you got to dance with your wife. How does dancing with Heather affect your performance and the characters onstage?
The nice thing with Heather and I is we got to dance together for a long time before we were a couple. To be honest, dance is a bit of a thing where you’re responsible for your own performance, more or less. So I never feel that I’m dependent on her, or that she’s dependent on me in any way, which is great. She’s always super, super strong, and super consistent, and incredibly musical, which is the thing that I think I love the most about dancing with her, because her innate sense of musicality and splitting notes in half is intense. It’s so thrilling to do, because even with something like Sleeping Beauty that you’ve done a million times, she can play with the music. It’s not just different phrasing – we’re talking about splitting notes, and talking about silences being inserted into sections where you wouldn’t think a silence could fit in there, or a stillness. It’s getting to a point where we’re both at the same point in our careers, where we’re working on subtleties. We’re working on texture, and that’s what I love the most, because I feel like we’re both working together – especially for Sleeping Beauty.
The connection is real and, of course, dancing with your wife, you’re smiling right away, because it’s the most special thing that we do, just performing in general, and ballet in general. It’s this amazing art form. Our daughter came to watch the show. She’s backstage, and for her, it’s just the most magical thing. She couldn’t really care less about the prince, but the Lilac Fairy just couldn’t be any more amazing. What we do is so beautiful, and so special, and to get to do it with the person you love, that makes it much more special. Then to get to experience it with your kids, it’s so wonderful. 
So, of course that part of it is really, really beautiful, but when it comes down to the nitty-gritty, everyday work, that’s usually what sustains a partnership. Margot Fonteyn and Rudolf Nureyev look really great onstage, of course, but what kept them together is their connection in the studio. The studio is two and a half months, and the stage is two hours. So how do you work in the studio? How do you keep challenging each other? Also, we’re competitive- Heather competes with me, and I compete with her, and that’s good because I feel like that’s how we try to stay perfectionists in what we do.
You’re also a choreographic associate with National Ballet. How did you get involved with choreographing, and how did you know it was something you wanted to pursue?
I’ve always wanted to choreograph. I composed music before I choreographed, because I had this idea of creativity. When I discovered choreography and when I started doing it, I right away loved the idea of architecture to music, and I loved the idea of telling stories. So I felt like it was all these really wonderful things coming together. 
What’s hard with choreography is that you never know if it’s good or not. You know if people are clapping or not, but if you use a pop song, everyone’s gonna go crazy. If you use abstract Schnittke music, it’s going to be harder for people to like your work. But at the same time, I love it, and I love watching dance. As I’ve gotten more into choreography, I’ve realized that I’m loving it, and I’m loving everything.
It’s harder than dancing in some ways, because you’re judged on a different level. With Nijinsky or something, you dive into this role, and this persona, and you know it’s masterful choreography already. If you’re singing Elektra, or if you’re singing a big role, you know, if you can do it, it’s going to be great, because it’s masterful. But starting something from scratch is really, truly scary, and I believe choreographing is a process of starting something from scratch. It’s petrifying, but I love it, and I love doing it, and I’ve been really enjoying the process. I hope to keep going with it.


Le Petit Prince

I loved Le Petit Prince. Tell us a little bit about the creation of that ballet.
I loved it too [laughs]. I loved the process of it. I loved the idea of taking such a sacred story, and then trying to reposition it into a different world, and creating a new world for it, and creating a new life to it. Because it is such a beautiful piece of literature, and it’s sacred, in a way. But that doesn’t mean that it can’t live as something else.
The process of creation wasn’t easy, just because [it was my] first full-length ballet. And during the process, we were working with John, I was like, “How do you do it? Can I come and watch, and can I shadow you for a few months?” He said, “No. You just have to do it. You just have to keep doing it, and you just have to keep learning, and keep watching, and keep going with your thoughts, and your ideas, and with how you want to put it together”.
Up to that point, I’d been relatively successful at doing pieces that were shorter. It’s like a sitcom- twenty-two minutes is easy to sustain. You just need one idea, you just need an introduction, and then a conclusion, and you have development. Most really good ideas last 22 to 30 minutes, and that’s why a lot of ballets are shorter. The 30-minute mark is usually for abstract work, and works really well. But then with Being and Nothingness a few years back- that was about 50 minutes- I ventured into something a bit longer, and then a full-length ballet was a whole different thing. And balancing the production aspect of it – I worked with Michael Levine, set designer, and he obviously was so established already. That part of it was challenging, to try to work with big sets and big scenery, and I can see how with dance, not everything works. Sometimes the surroundings can take away from what’s happening.
I’m a huge opera fan. I see everything we do here [in Toronto], and when we travel, I see everything I can. It’s very different, because in some ways, the singers give you this really beautiful landscape, their skill comes through audio, and the massive production value- you’re panning, and you’re looking. But with dance, you have to be looking at the dancers to see the skill. You can’t be closing your eyes and listening to it. You have to be watching something. And then all of these massive things are going on around the dancers. It does deter your focus away, sometimes. The process of dealing with all the moving parts, and trying to do something that was a more impressionistic treatment of the story, was challenging. But I’m looking forward to coming back to it, and re-directing a little bit. Because now, working with Robert LePage, I’m seeing staging very differently. I’m seeing it way more as the craft that it is.
Some people like Crystal Pite are genius at directing, and ultimately staging. Because it’s about giving the right information, and the amount of information at the right time in the right place, on the stage. Very often, what happens in choreography is that it gets dissipated, or there’s too much going on, or not enough, and I can definitely see that with younger choreographers. I see that the work is not as structured as it can be. So now I’m just working on doing that, getting more structured. But I’m so grateful for the opportunity to do the Little Prince. Who has that opportunity? And I did. I can’t wait to do it again.
Tell us a little bit more about Frame by Frame and working with LePage.
Well, the thing about LePage – I’m just so grateful that I’m in this project [laughs]. I can’t believe it; this man is just one of the greatest artists in Quebec, and I think I can say Canada. 
I came to him, actually, originally, because I was like, “I just want to work with you in any way, shape or form.” That was maybe ten years ago. And then we became friends, and he was like “Well, hold up.” Then I came up to him with Little Prince and a few projects. And he was like, “No, I’m not really interested.” I was like “Okay, that’s fine.”
I kept seeing his shows, and we kept getting together in town. We just clicked right away intellectually, because I feel he’s such an intellectual, and I randomly go into philosophy – I think he found it a bit weird at first, but maybe now he finds it okay. 
He came to me because he’d just done this piece on McLaren, The Image Mill in Quebec City. And he was like, “Okay, I think we’ve found something that I’d like to work with you on, if you’re into it.” I didn’t know McLaren, but I did know Pas De Deux. I did know the video, because two of my ex-teachers were in it, so I was like, “Okay, yeah, I’ll look into it.” Then I took the material away, and I looked at it, and I was like, “This is a really fantastic idea.” I thought, what better way to do something that’s Canadian – a Canadian story about a Canadian icon, Norman McLaren.
Where Robert’s genius lies is in picking the projects, too. Dance can be extracted very, very organically from all the work of McLaren, because he was a choreographer himself, in a weird way. A lot of his films are just basically music, and space definition, and space choreography, whether it’s paper cutouts, or if it’s effects, or if it’s the perspective play, or stop-motion – he always uses movement, and technology to enhance choreography. So I thought, “Okay, well, this is great, because Robert is doing the exact same thing.”
Early on in the process, Robert was like, “Why don’t you take the theme of McLaren, and you come with a group of dancers to Quebec City, and we see what we can do?” So I brought in a lot of ideas. I brought in a lot of crazy ideas, lots of bad ones, which turned out to be good ones. And I thought they were pretty terrible, but then Robert would add technology, and his magic of blocking something differently, a new vantage point from facing the other way, and the camera this way – it would turn into something really interesting.
Right off the bat, the first time we worked on it, we developed about 21 scenes that we were relatively happy with. They weren’t choreography. They were just scenes, meaning that it was the structure. There was a drawing table, and a piano, and a projection from here, and things, and people moving. The process was really informative, because the whole time he had a huge team of people, so there were maybe twelve people in the studio at all times. He’s always looking for the connections and the idea and the structure of the show, and the transitioning, and the chronology, and to make sure we also touch on all the aspects of McLaren’s life, and how one thing influenced the other.
It’s interesting, because we’re basically doing a portrait of a person. His life was actually quite uninteresting in some odd way, because it’s not an opera. Nobody gets hurt. Nobody gets married. It’s one of those things where it’s a life of a person who is just genuinely obsessed by his work, and had a really amazing group of friends, and did some unbelievable things for Canada, and the animation department of the NFB. But ultimately, it’s about the work, and all of these little vignettes of his life come to life through his technologies that he created, and all of this through dance, which I think is the perfect way of honouring him, because music and movement was basically his life. When it gets to the end of his life, then it’s more and more logical, because he started making all these dance films. Those were very iconic, so we make those dance films come to life onstage. 
Robert is really interesting in that way, because he’s not afraid of quoting the past. I think as a young creator, you just wanna make sure that you stay away from anything that’s been done before. You want to believe that everything you’re doing is new. But there’s a beauty in trying to reconstruct exactly what it was. You go into Ludmilla Chiriaeff’s choreography from the 70’s, or 80’s, and you reconstruct it with dancers from today. Right away, with that experiment, you realize that with bodies and training of today, what she did 30 years ago was really beautiful. There’s also really value in honouring that, what these people did in that time in Canada. So we decided, “Let’s keep that intact, and let’s just say that we’ll make sure to put in the credit, ‘Ludmilla Chiriaeff choreography’ for that part.” It’s all about making sure that we stay true to the material, and I really loved that process.
[LePage] couldn’t be any more generous as a collaborator. He’s very generous. He is very focused, and when the hammer comes down, it comes down. The nice thing is that I know my place, so I give him everything I’ve got as far as creativity, and ideas, and stuff, and steps, and then he goes, “Oh yeah. Okay.” But then a lot of it is just dissipates. Which is a really great way, because I feel like he’s the one who’s gonna have the last say about how it’s crafted.
The 2018 / 2019 season was just announced. What are you most looking forward to?
I’ve always wanted to do The Dream, because Ashton is classic, and I’m getting up there where I’m aware that the classics are not gonna be too much longer, so I’m really excited that this came now. Of course, I requested it, but I’ve been requesting it for a long time, so I’m sure it’s not my request that made it end up on the programming, but I’m very happy that that’s there.
I’m also really looking forward to, obviously, Being and Nothingness coming back. I’m really looking forward to seeing it again, and working with new dancers, because the company’s so different from four years ago. It’s gonna be really nice. Lots of different casts. I’m really excited about a few new dancers that we have, so I’m looking forward to that. And the Forsythe programme, because William Forsythe is really a master of calculated movement and dance, and I feel that it will just be a really wonderful study for me to do his work. I think the company needs to do that kind of work. It’s very hard, but I think it’s gonna be worth the learning curve. I’m really excited for that. 
And then Xiao Nan Yu retiring with The Merry Widow. I’ve danced Merry Widow with her a few times, and they were always so special, and I love her. I think it’s very big of her to walk away while she’s still in her prime, so I think that will be really special.

Is there anything you’d like to add?
Thank you very much for the nomination. You just do your best, and you hope that people really like what you do, and I think what you’re doing is wonderful, too, because it inspires us to keep going.



Kelly Bedard 
Rédacteur en chef
Kelly a obtenu un diplôme en communications de l'Université de Boston, mais ce qu'elle a vraiment acquis durant ses quatre années passées à Toronto a été un travail de révision télévisuelle composé de plus de 1000 posts et étiquetés MyTV, le plus souvent le résultat d'heures passées à regarder Buffy au lieu de écrire des essais. Son amour débordant de Shakespeare et du théâtre musical l'a amenée à créer MyTheatre en 2010. MyCinema et MyBookshelf (maintenant, MyBooks) ont suivi, tout comme MySports Stadium (maintenant, MySports) quand son obsession du baseball a eu raison d'elle. De nouveaux ajouts MyMusic et MyGames ont complété la famille et ont mené à la création du site ombrelle My Entertainment World, où le lecteur approfondi peut acquérir une compréhension incroyablement détaillée des pensées et des sentiments de Kelly. De tout. Kelly travaille comme écrivaine et patineuse à Toronto, est une disciple dévouée de l'école de Sorkin et tient à remercier Joss pour ses commentaires audio inspirants. Elle est une podcasteuse à double fonction sur le réseau RHAP et un fier membre de la Canadian Theatre Critics Association .